Inspir’Action by C224

« Ne s’améliore que ce qui se mesure. »

Valérie Tiersen, fondatrice de Green Score Capital

Après une formation supérieure dans le domaine de la Finance, et un parcours dans le monde bancaire puis aux 3Suisses à la Direction Générale Belge Valérie Tiersen décide en 2019 de créer sa start-up Green Score Capital dont l’objectif est d’accélérer la performance environnementale des entreprises … tout en assurant leur performance économique.

Nous l’avons rencontrée pour mieux comprendre son engagement et ses projets pour changer le monde.

C224 : Peux-tu nous décrire en quelques mots Green Score Capital et sa raison d’être  ?

Les entreprises vont être confrontées dans les années qui viennent à un challenge important pour mesurer et réduire leur impact sur la planète. Pour encadrer ce changement, des réglementations environnementales vont être mises en place d’ici 1 à 2 ans : elles imposeront l’affichage environnemental sur les produits d’abord en France au travers de 3 indicateurs, puis au niveau européen, ce seront 14 indicateurs qui seront demandés. Les émissions de CO2 en font partie mais pas seulement, la consommation d’eau, l’utilisation de ressources fossiles et minérales, l’occupation des sols, la pollution de l’air, de l’eau, des sols sont également des paramètres à prendre en compte… L’ensemble de ces facteurs ont un impact certes sur le climat mais également sur la biodiversité, d’où l’importance d’élargir sa vision en matière environnementale car tout est interdépendant . .

Pour répondre à ce défi, Green Score Capital a développé un progiciel (footprint target) qui permet d’apporter une vision opérationnelle et holistique des impacts environnementaux (mesure de l’empreinte carbone et biodiversité des entreprises et de leurs produits, calcul de la note environnementale pour être conforme aux prochaines réglementations) et de proposer des solutions qui prennent en compte l’impact financier.

Notre raison d’être est celle de « Construire un monde avec des entreprises à qui nous avons donné les moyens d’agir pour préserver un environnement sain et durable, pour tout l’écosystème Terre, de façons simple et accessible »

Nous ne voulons laisser personne sur le bord du chemin dans ce retournement écologique qui est nécessaire, même si l’entreprise est très polluante. Nous ne sommes pas là pour juger mais pour aider à agir et tous les business doivent être transformés, car il y a aussi une question sociale de préservation des emplois qu’il ne faut pas négliger dans la réflexion.

C224 : 2 ans après la création de Green Score Capital où êtes-vous ?

Depuis deux ans, nous travaillons avec des chercheurs sur la mesure de l’impact des entreprises sur l’environnement et nous avons passé un an sur le développement . Nous sommes maintenant en phase de déploiement commercial.

Nous avons noué des partenariats avec des acteurs stratégiques :

– Avec Centric Software, filiale de Dassault Systèmes, éditeur d’un logiciel de gestion des données pour la conception des produits jusqu’à leur production (outil PLM, Product Lifecycle Management). Cela va nous permettre de calculer l’impact du produit, incluant la/les matières et les procédés, et ce, dès la conception. L’éco-conception est, en effet, une des clés pour améliorer  l’impact environnemental des entreprises : 80% des impacts se définissent en effet au moment de la conception.

– Avec IBM qui nous a intégré dans son catalogue de solutions.

Nous sommes en train de signer notre premier contrat avec une entreprise pilote qui a décidé de passer à la formule abonnement. Notre progiciel est vendu sous forme de licence annuelle.

C224 : Comment en es-tu arrivée à te lancer dans cette aventure ?

Cela s’est fait en plusieurs étapes.

Mon engagement a d’abord été humain : dans ma carrière, j’ai eu le bonheur de travailler avec des personnes exceptionnelles qui pourtant ont été mises de côté par des plans sociaux. Ce facteur humain est primordial pour moi et je voulais être dans une démarche de création et non de destruction.. Je souhaitais aussi donner du sens à mon activité professionnelle. J’avais eu une carrière professionnelle très riche mais qui, au final, n’avait pas forcément été très utile à la société.

Mon intérêt pour l’environnement date de mon expérience chez 3 Suisses. L’entreprise a été pionnière en matière de développement durable, puisque qu’elle l’a inscrit en tant qu’un des piliers de sa stratégie dès le début des années 1990. J’ai voulu aller plus loin dans cette démarche.

L’élément déclencheur a été la rencontre avec des « changemakers » au salon « change now » en 2018 (donc oui c’est possible 😉 puis ma rencontre avec des scientifiques a fini de me décider à créer une entreprise qui facilite la transition écologique .

C224 : Peux-tu nous décrire le client type de footprinttarget qui est la solution que tu développes avec Green Score Capital ?

Nous nous sommes d’abord concentrés sur le secteur textile qui est la deuxième industrie la plus polluante au monde et qui sera bientôt concernée par la loi sur l’affichage environnemental (NDLR : L’article 15 de la  loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui a pour objectif général d’encourager la production durable, instaure officiellement un dispositif d’affichage environnemental ou environnemental et social volontaire et lance une expérimentation de 18 mois qui sera suivie d’un bilan transmis au Parlement, comprenant une étude de faisabilité et une évaluation socio-économique. Sur la base de ce bilan, un décret définira la méthodologie et les modalités d’affichage environnemental qui pourront être rendu obligatoire prioritairement pour le secteur Textile d’habillement.)

Notre client type est une entreprise du secteur qui fabrique leurs produits ou qui soustraite sa fabrication. Demain, notre objectif est de nous adresser à tous les autres secteurs industriels, les cosmétiques, l’agro-alimentaire, et nous commençons à avoir des demandes également du secteur numérique.

C224 : Qu’est-ce qui, à ton avis, permet aux entreprises de passer de la mesure des impacts environnementaux des entreprises aux actions concrètes de changement ?

Il y a plusieurs éléments de réponse à cette question :

– La mesure est clé. Sans mesure, pas d’objectif d’amélioration. C’est le point de départ de toute action.

– La réglementation également va jouer un rôle important. Elle sera de plus en plus restrictive et va conduire les entreprises à devoir prendre des mesures.

– La généralisation de l’affichage environnemental, de la même façon que la classification énergétique des appareils électroménagers, va induire une modification des comportements consommateurs et donc une pression supplémentaire.

– La raréfaction de nos ressources va également générer une tension sur les prix et va peser sur les comptes d’exploitation des entreprises.

Et puis n’oublions pas que le paysage concurrentiel évolue sans cesse : les entreprises qui auront le plus vite amorcé le virage environnemental garantissent leur pérennité à long terme.

C224 :  N’as-tu pas peur du greenwashing ?

Il y a beaucoup de greenwashing effectivement, mais celui-ci est vite balayé par le fait de s’appuyer sur une mesure effective des impacts environnementaux … Il est impératif de généraliser, normaliser la mesure de l’impact environnemental et sur toutes ses dimensions, pas seulement l’émission de CO2 … C’est ce que prévoit le futur cadre réglementaire européen et c’est une bonne chose !

C224 : Le cœur de l’équipe de Green Score Capital est composé de femmes … quelle en est, d’après toi, la raison ?

Je dirai que cela tient à notre rôle ancestral : depuis la nuit des temps, les femmes sont les gardiennes du foyer. Elles veillent à élever leurs enfants dans une sorte de bulle protectrice. Et cette bulle est en train de se dégrader, augurant d’un futur difficile pour leurs enfants. Nos « tripes » ou notre ventre, l’endroit où nous avons porté nos enfants, nous pousse à agir.

Ceci dit, des hommes commencent à rejoindre l’équipe 😉 Les nouvelles générations ont une vision différente et vont apporter beaucoup à ce monde.

C224 : Es-tu optimiste sur notre capacité à réussir la transition énergétique ?

Absolument ! Mais sincèrement, je ne me pose pas cette question, à savoir sommes-nous capables ou pas ! Quand j’avance, je ne regarde jamais la montagne à gravir, je mets un pas devant l’autre en visualisant le moment où nous serons tout en haut quand nous serons de nouveau en harmonie avec cette planète qui nous accueille.

C224 : Selon toi, que peut apporter une initiative comme le Collectif 224 ?

Plus les générations actuelles auront de modèles inspirants, plus elles oseront … et en particulier les femmes qui manquent souvent de confiance en elles.

Montrer que c’est possible et que c’est possible avec toutes nos qualités de femme sans être une copie de l’homme peut ouvrir la voie à plein d’autres initiatives féminines. Je me souviens de cette vidéo d’une femme cheffe d’orchestre : puissante et féminine. C’est un modèle pour moi.

C224 : Si je te donne une baguette magique pour changer une chose pour l’humanité : que changes-tu?

Si j’avais une baguette magique, je donnerais à tout le monde de pouvoir visualiser l’impact environnemental de chacun de ses gestes à l’échelle du monde.

L’éveil des consciences est primordial : tant qu’on ne sait pas, c’est facile de détruire. Sauf que cela nous mène à notre propre destruction.

La planète, elle, nous survivra …